Great Waitress - Lucid (Splitrec, 2011)


Pour ce dernier disque publié par le label australien dirigé par Jim Denley, la pianiste Magda Mayas a rejoint un duo australien composé de l’accordéoniste Monika Brooks et de la clarinettiste Laura Altman. Ce trio à l’instrumentation singulière se nomme Great Waitress, et l’ensemble de ces cinq pièces forme l’album Lucid.

D’un côté, le souffle relie la clarinette à l’accordéon, et ce dernier partage un clavier avec le piano, mais la réunion de ces trois instruments n’est pas évidente lorsque la musique jouée tend vers l’homogénéité du son. Et pourtant, la symbiose est ici profonde et réelle, des connections très fortes et très intenses se mettent en place entre chaque musicienne. Les harmoniques de la clarinette rejoignent les suraigus de l’accordéon, les résonances du piano soutiennent le souffle de l’accordéon, ou alors ce sont les attaques percussives du piano qui déploient les nappes des deux autres instruments. Great Waitress rejoint Hubbub ou AMM dans l’aspect homogène et synergique, toutes formes d’individualités restent souvent enfouies sous la masse sonore, mais les textures prennent de l’ampleur et de la profondeur grâce à l’intervention nécessaire de chacune. Il y a un contraste très impressionnant entre ce qui sépare les instruments en tant que tels, et ce qui les réunis et les fondent dans la musique. Toutes les différences et les dissemblances entre les individualités et les instruments sont maintenues sans ne jamais gêner l’homogénéité de ces nappes sonores, de ces textures statiques. Car l’évolution du son est minimaliste et lentement progressive, les réponses surgissent les unes après les autres, mais prennent toujours le temps d’être pleinement déployées avant d’être insérées dans un quelconque dialogue.

La richesse des textures et le lent déploiement de chaque timbre, dans ces improvisations réductionnistes, sont franchement saisissants. Un univers bizarre se déploie et se dévoile subtilement et délicatement, mais la spontanéité et l’individualité restent présentes dans les réponses possibles, l’individu ne reste cependant qu’un possible (en tant qu’il est surtout présent dans ce qu’il peut ou pourrait répondre au son), tandis que le vrai réel est le son lui-même, dans sa globalité, une pure musique holiste. Holiste tout en maintenant les personnalités, statique tout en étant progressif, abstrait tout en étant chaleureux. Lucid, à travers ses cinq pièces de durées inégales (entre trois et vingt minutes), évolue dans des territoires abstraits mais attractifs, personnalisés notamment par les formes de réponse, et par les techniques instrumentales particulières de chacune.

Tracklist : 01-Breath / 02-Drifting needless / 03-Lucid / 04-Dusted birds on furnished trees / 05-Grain