improvised music from slovenia



v.a. – Neposlušno / Sound Disodedience (Zavod Sploh / L’innomable, 2012)

Neposlušno / Sound Disodedience est un double CD d’environ deux heures et demi, qui regroupe 13 morceaux improvisés par treize duos différents de musiciens slovènes. En vrac, on y retrouve Andrej Fon, Ana Kravanja, Tao G. Vhrovec Sambolec, Vid Drašler, Matija Schellander, Tomaž Grom, Samo Kutin, Marko Jenič, Žiga Pucelj, Marko Karlovčec, Vitja Balžalorsky, Boštjan Simon, Domen Gnezda, Jošt Drašler, Neža Naglič, et Irena Tomaži.

De plus, on trouvera dans ce coffret une postface écrite par Eddie Prevost et Primož Trdan qui soulève pas mal de questions intéressantes. Les rapports entre l’improvisation et la composition, comment l’improvisation libre s’inspire de la tonalité libre, du dodécaphonisme et de l’école de Vienne, comment elle peut s’opposer à Ligeti et à toutes formes de répétition ou de « retour en arrière ». Et surtout, elle soulève un point extrêmement important, à savoir comment l’improvisation libre non-idiomatique a pu s’ériger de manière contradictoire en genre ou en forme musicale reconnaissable. Comment une forme musicale qui s’est constituée dans l’opposition à la répétition de formes passées est devenue une forme passée en répétant de nombreux codes mis au point depuis Derek Bailey.

C’est d’ailleurs ce dernier point que l’on ressent le plus à travers l’écoute de cette compilation consacrée à l’improvisation libre en Slovénie. Si tous les musiciens ne concentrent pas leur attention sur les mêmes idées et les mêmes paramètres musicaux, il y a tout de même une grande ressemblance entre les différentes approches. Une même attention au son et aux techniques étendues, une même absence de répétition, de rythme et de système tonal ou modal. C’est un peu comme écouter une compilation consacrée à une école, ou à un collectif. Paradoxal pour qui se réclame de la musique non-idiomatique. Ceci-dit, ce problème se pose aujourd’hui bien au-delà de cette compilation, une constatation récurrente depuis une dizaine d’années, et très peu de musiciens semblent échapper à cet écueil.

Mais outre ce constat sur l’improvisation libre, les pièces présentes sur cette compilation sont globalement de très bonne qualité. On y trouve des approches différentes, axées parfois sur la spontanéité et la réactivité, ou sur les textures et des formes proches du drone, sur l’interaction et l’exploitation systématique d’une idée ou d’une direction, sur l’opposition entre électronique et acoustique, ou encore sur leur ressemblance. Certaines pièces sont vraiment surprenantes, comme l’étonnant duo Andrej Fon (cornemuse et clarinette) & Ana Kravanja (violon) qui n’est pas sans rappeler le monumental Om de Coltrane. Mais aussi l’extrêmement intense duo de contrebasses Matija Schellander/Tomaž Grom, ou les deux excellentes pièces pour un de mes instruments préférés, la vielle à roue, jouée ici par Samo Kutin en compagnie de Marko Jenič (violon) puis de Vid Drašler (batterie, percussions). Et il y aurait encore de nombreux exemples, la compilation est franchement réussie et présente de nombreuses pièces riches, intenses et créatives. Une très bonne initiative mettant plein de bons instrumentistes méconnus sur le devant de la scène, recommandé.
 
Ana Kravanja & Marko Karlovčec - Vraščanje / Ingrowth (Botanic, 2012)

La violoniste Ana Kravanja et le saxophoniste Marko Karlovčec était déjà présent sur la compilation Sound Disobedience, avec un duo de près de vingt minutes assez énergique et réactif. Sur Vraščanje / Ingrowth, le duo se réclame toujours de l'improvisation libre mais il s'agit ici d'une musique beaucoup plus minimaliste et souvent axée vers le drone. Chacune des huit pièces de ce disque a été enregistrée en extérieur et présente des caractéristiques sonores différentes, mais aussi des "accidents" de parcours parfois bienvenus (écoulement d'un ruisseau, oiseaux, la réverbération d'une caveetc.). Quant à la musique, le duo exploite souvent de longues nappes, une note étirée pendant de très longues minutes et qui ne varie que très sensiblement, de manière microtonale et minimale la plupart du temps. Les instruments ont tendance à se confondre et à fusionner quasiment tout le temps. Ceci-dit, il s'agit d'une musique très sensible, qui accorde une grande attention à l'écoute et au son, et qui parvient à créer un univers sonore acoustique et instrumental plutôt singulier, en n'usant de techniques étendues qu'avec modération. Un jeune duo prometteur.

[extraits: https://soundcloud.com/marko-karlovcec/sets/vrascanje-ingrowth]